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Vers une rémunération des étudiants en master

vendredi 11 février 2011

Vers une rémunération des étudiants en master
L’arrêté du 25 avril 2002 relatif au diplôme national de master fait une place importante aux stages dans la formation conduisant à la délivrance du diplôme, tout comme à la notion « d’initiation à la recherche » qui implique la rédaction d’un mémoire de fin d’études ou la préparation d’autres travaux personnels.

Depuis la publication de ce texte, les médias se sont fait l’écho de l’habitude prise par certaines entreprises d’employer de multiples stagiaires corvéables et non rémunérés à la place de salariés. Ces situations récurrentes ont conduit les pouvoirs publics à promulguer la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 dite « Pour l’égalité des chances » qui a posé trois principes censés remédier à ces dérives : une convention est obligatoirement signée entre le stagiaire, l’entreprise d’accueil et l’établissement d’enseignement, les stages ont une durée initiale ou cumulée qui ne peut excéder six mois, tout stage supérieur à trois mois consécutifs fait l’objet d’une gratification.

La loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie a légèrement modifié ce dispositif en ramenant à deux mois la durée au-delà de laquelle une gratification doit être versée. Ce cadre a été complété pour la fonction publique par le décret n°2009-885 du 21 juillet 2009 relatif aux modalités d’accueil des étudiants de l’enseignement supérieur en stage dans les administrations et établissements publics de l’État ne présentant pas un caractère industriel et commercial.

Le principe général est donc aujourd’hui que lorsque la durée d’un stage est supérieure à deux mois consécutifs celui-ci fait l’objet d’une gratification, c’est-à-dire une rémunération fixée à 12,5 % du plafond horaire de la sécurité sociale, soit 417,09 € en 2010 pour 35 heures hebdomadaires. Dès lors, lorsqu’un étudiant en master doit accomplir un stage dans un autre laboratoire que celui où il prépare son diplôme il se doit d’être couvert par une convention et, s’il y reste plus de deux mois, il engage financièrement le laboratoire d’accueil.

Ce système en apparence simple connaît, dans certaines universités mais aussi au Muséum, des applications pour le moins extensives qui tendent à confondre stage et cursus de master. En effet, le qualificatif de « stages » se voit apposé aux périodes au cours desquelles l’étudiant est dans la phase dite « d’initiation à la recherche » dans la perspective de son mémoire de fin d’études. Il s’agit alors du temps passé au sein de son UFR, laboratoire ou, pour les disciplines naturalistes, sur le terrain afin de collecter les matériaux ou analyses nécessaires à la préparation du mémoire. Parfois, c’est même la période dévolue à la phase de rédaction de ce mémoire qui est baptisée « stage ». La conséquence est simple et aberrante : une convention est signée par l’UFR ou le laboratoire avec ses propres étudiants et une rémunération leur est versée.

Ce comportement pose tout de même problème, au-delà de ses relents démagogiques ou militants en faveur d’un salaire étudiant. Tous les laboratoires n’ont pas les moyens de rémunérer leurs étudiants et ce système tend à les contraindre à mettre en place une politique malthusienne fruit de la contrainte financière, c’est-à-dire à limiter le nombre d’étudiants admis en master. On imagine également assez mal qu’une équipe fasse un effort financier de ce type pour ses étudiants et que certains d’entre eux échouent à leurs examens à la fin de leur cursus. Ce serait à la fois un échec pédagogique et un mauvais placement financier. En poussant la situation jusqu’à l’absurde on pourrait envisager une solution juridique à tout cela : considérer la convention comme un contrat synallagmatique lambda portant droits et obligations pour chacune des parties : l’établissement accueille, forme et rémunère l’étudiant, celui-ci bénéficie de ces avantages et en contrepartie se doit de réussir sinon il rembourse sa gratification. Loin de nous d’imaginer le ministère capable d’une telle vision des rapports entre le « service public d’enseignement supérieur » et ses « usagers ».

Alerté par plusieurs établissements demandant la conduite à tenir, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a mis quelques temps avant de définir sa propre doctrine sur le sujet. Et encore, celle-ci est loin d’être claire. Nous avons pu nous en rendre compte en écoutant la réponse embrouillée du représentant de la DGESIP au CA du Muséum lorsque le représentant du SNAS a demandé des explications.

Ce n’est qu’au cas par cas que des réponses ont été apportées par la « Sous-direction de la performance et du financement de l’enseignement supérieur ». Les stages et l’initiation à la recherche ne recouvrent pas les mêmes finalités. Le stage « a vocation à compléter le cursus de formation initiale et à familiariser le stagiaire avec le milieu professionnel ». L’initiation à la recherche vise à « familiariser l’étudiant aux principes à mettre en œuvre dans l’élaboration de toute recherche scientifique » et elle « se différencie du stage en ce qu’elle fait davantage intervenir la capacité de l’intéressé à définir un projet et à le mener à terme en toute liberté scientifique, selon la méthode qu’il s’est lui-même fixée. »

Mais tout est plus compliqué qu’il n’y paraît. Pour la performante Sous-direction, « rien n’interdit qu’un stage soit l’occasion de contribuer à une initiation à la recherche » et « des stages ne sauraient être requalifiés en initiation à la recherche dans le seul but de ne pas verser aux étudiants une gratification ». En définitive, tout ou presque est stage et ouvre droit à rémunération.
En 2009, on a beaucoup glosé sur ces lycées professionnels de l’académie de Créteil qui entendaient récompenser financièrement l’assiduité de leurs élèves. La situation est-elle si différente aujourd’hui à l’université dès lors que l’on en vient à payer des étudiants pour qu’ils accomplissent une des étapes fondamentales du master : la préparation de leur mémoire ? N’est-ce pas la même perversion d’une formation, de son contenu et de ses objectifs ?