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Surveiller (les enseignants-chercheurs) et punir (les unités)

vendredi 3 avril 2020

SURVEILLER (LES ENSEIGNANTS-CHERCHEURS) ET PUNIR (LES UNITÉS)

La DGD-REVE a adressé le 11 mars aux enseignants-chercheurs du Muséum (ECMU) une injonction assortie de menaces. Elle leur intime l’ordre d’obtempérer au recensement de leurs activités par le biais de fiches individuelles. C’est même par une formule qui ressemble fort à du chantage que la DGD-REVE et les directeurs de départements exigent des ECMU qu’ils renseignent et envoient ces documents : « à partir du budget 2021, les unités dont le taux de retour des bilans annuels (fiches d’activité 2019) sera inférieur à un seuil qui pourrait être discuté avec les directeurs d’unité (90% ?) verront leur soutien direct minoré. ».

Deux remarques préalables nous semblent nécessaires :

 Le conseil scientifique du Muséum, dans sa séance du 17 avril 2018, a certes reconnu l’utilité de ces fiches d’activité dans leur dimension informative mais en ce qu’elles sont fournies sur la base du volontariat. Les voilà devenues punitives et obligatoires. Il s’agit d’un glissement sans précédent.
 Faire appel à l’idée même de sanction collective est contreproductif, infantilisant et scandaleux. Cela revient à désigner à la vindicte de leurs collègues d’unité les « bons » et les « mauvais » élèves, à faire porter aux
« mauvais » ECMU une supposée responsabilité collective, à opposer les membres d’une même unité sur la base de leur statut. Tout cela est nauséabond.

À quoi sert ce fichage ?

Le CS reconnaissait à ces fiches une utilité dans la mesure où elles feraient émerger un « nombre limité d’indicateurs de l’activité de l’établissement ». À la lecture des bilans établis pour les années 2017 et 2018, il apparaît que la DGD-REVE reconnait elle-même la portée réduite de ces indicateurs : « les moyennes n’ont cependant guère de sens compte tenu de la très grande variabilité par département et a fortiori par unité ».

On mesure tout particulièrement l’intérêt de cette enquête chronophage à la lecture des conclusions du rapport établi par la DGD-REVE pour l’année 2017 : « Ces observations tendent à renforcer l’idée que les ECMU ont à cœur de se consacrer à la plupart des cinq composantes de la mission du Muséum », qui se voient complétées par celles, toutes aussi éclairantes, du rapport pour l’année 2018 : « [les fiches de 2018] viennent renforcer l’image qui avait émergé lors de l’analyse des fiches de 2017 ».

Ainsi donc les enquêtes de la DGD-REVE apporteraient une information majeure en permettant de se rendre compte que les enseignants-chercheurs du Muséum contribuent aux missions du Muséum... Nous attendons avec impatience la cuvée 2019 du bilan des rapports d’activité ! Doit-on voir dans ces conclusions extraordinaires la raison de la baisse du nombre de fiches retournées entre 2017 et 2018 (-13%) ?

Le rôle de la DGD-REVE est-il de défendre le statut spécifique des enseignants-chercheurs du Muséum ou de s’y attaquer ?

À quel article du décret n°92-1178 du 2 novembre 1992 relatif au statut des ECMU, la DGD-REVE et les directeurs de départements se réfèrent-ils lorsqu’ils écrivent : « Ces fiches apparaissent donc comme l’expression d’un devoir statutaire » ?

Voilà une formule bien étonnante qui prouve bien que l’exercice demandé n’est pas statutaire. Ce ne seraient donc pas les activités des ECMU en faveur des missions du MNHN qui constitueraient la preuve du service, mais la fiche d’activité elle-même. On ne peut que se féliciter du fait que les ECMU soient plus attachés à remplir leurs missions que des fiches pour le compte de la DGD-REVE. Or ces activités prennent du temps, beaucoup de temps, qui plus est durant cette période de crise qui voit notamment les ECMU organiser dans l’urgence et à distance, la continuité des services d’enseignement, une de leurs missions.

Le décret n°92-1178 du 2 novembre 1992 est en effet clair quant au devoir statutaire des ECMU :
 « La moitié au moins du temps de service doit être consacrée à la recherche et à la valorisation scientifique des collections du patrimoine national » (article 6),
 « La durée annuelle de référence des services d’enseignement est de 96 heures de cours ou 144 heures de travaux dirigés ou 216 heures de travaux pratiques ou toute combinaison équivalente. Ces obligations d’enseignement peuvent être diminuées ou augmentées par rapport à la durée de référence » (article 7).
Rien n’oblige donc les ECMU à lister leurs activités, par exemple, dans le domaine des sciences participatives ou encore leur contribution aux bases de données.

Quelles sont les grandes politiques scientifiques transversales qui peuvent être déduites de l’analyse de ces retours de fiches d’activité selon le souhait de la DGD-REVE ? Si c’est en effet en arguant de cet enjeu qu’elle justifie ce recensement, en revanche le bilan qui nous est fourni ne le dit pas.

L’idée même de ce rapport d’activité tend à faire croire que les ECMU ne seraient pas évalués et ne tiendraient jamais à jour le bilan de leurs activités. Il suffit pourtant de se rendre sur les sites des UMR où sont hébergés les ECMU pour voir qu’ils tiennent en toute transparence ces informations à jour et à la portée de tous, y compris de la DGD-REVE. Ces données sont par ailleurs régulièrement recueillies lors de l’évaluation périodique des UMR et du MNHN par l’HCERES qui leur vaut les meilleures notes au niveau national. Au plan individuel, c’est au quotidien que les ECMU, comme leurs collègues des universités, sont soumis à bilans et évaluations, que ce soit à l’occasion du dépôt d’un projet de financement, lors des campagnes de qualification CNU, lors d’une candidature HDR, etc.

Quelques pistes de réflexion et d’action concernant la DGD-REVE

Plutôt que des bilans superfétatoires de l’activité des ECMU, la DGD-REVE pourrait faire son propre examen de conscience ou plutôt on pourrait imaginer que cette introspection soit contradictoire, c’est-à-dire effectué par un tiers. Le CS pourrait ainsi se charger avec profit d’un audit approfondi de cette DGD-REVE et non plus se contenter d’écouter doctement son directeur lui présenter en quelques minutes ce qu’il estime être les points saillants de son activité.

La DGR-REVE pourrait aussi œuvrer un peu plus en faveur d’une plus grande transparence en fournissant, par exemple, les critères qui guident l’ensemble de ses évaluations à l’égard des demandes qui lui sont adressées. Tous ces bilans seraient particulièrement informatifs. Ceux des rapports d’activité, quant à eux, sont finalement extrêmement intéressants en ce qu’ils mettent en lumière l’inutilité de la démarche et les inquiétantes velléités de la DGD-REVE.

Faut-il rappeler ici qu’une partie non négligeable du budget de la DGD-REVE qui est reversé aux unités provient justement des activités des ECMU, par le biais des programmes nationaux et internationaux qu’ils obtiennent et sur lesquels d’importants frais de gestion sont prélevés par le MNHN ? Faut-il rappeler la destruction récente de postes d’EC au profit de la structure administrative qu’est la DGD-REVE ?
Enfin la DGD-REVE pourrait s’engager dans la défense du statut spécifique des EC du Muséum. Croit-elle qu’elle le fasse en opposant les uns aux autres ?

SNIRS CFE-CGC Muséum
Syndicat autonome des personnels du Muséum