Accueil > Communiqués > Externalisation des collections > Les collections scientifiques sont-elles réductibles à du rangement, du (…)
Les collections scientifiques sont-elles réductibles à du rangement, du management et de la gestion de flux ?
mercredi 4 novembre 2020
Les collections scientifiques sont-elles réductibles à du rangement, du management et de la gestion de flux ?
Examinées par le petit bout de la lorgnette administrative et financière, les collections scientifiques ne sont que sources de problèmes, la cause de bien des désagréments : accueillir des chercheurs, mettre en œuvre des mesures coûteuses de conservation, disposer de personnels compétents, dédier des locaux qui finissent par être encombrés, appliquer des normes de sécurité contraignantes, gérer un flux incessant de pièces etc. Examinées par les chercheurs et les personnels scientifiques et techniques de conservation, les collections scientifiques forment des ensembles vivants, fragiles et riches de savoirs passés et présents. Tout l’enjeu est de préserver leur potentiel scientifique et un accès qui, seuls, justifient leur collecte, leur conservation, leur inaliénabilité, tout cela aux frais du contribuable français.
Rappelons, en passant, que le Muséum n’est Musée de France que par ses collections ce qui lui impose, selon le Code du Patrimoine, de les rendre toujours « accessibles au public le plus large ». Si les présentations actuelles sont appréciées des visiteurs, nous remarquerons qu’ils déclarent toutefois attendre plus d’explications scientifiques et plus de médiation humaine.
Un changement de la gouvernance des collections opéré dans la discrétion et la précipitation
La présidence du Muséum vient de procéder à une nouvelle remise en cause de l’identité spécifique du Muséum à travers les collections :
– L’organigramme de la direction des collections a été discrètement bouleversé par la nomination durant l’été d’un directeur des seules « collections naturalistes » mettant fin à la logique naturaliste du poste de DGD-C. Le 6 octobre, le Comité technique (CT) a été invité à régulariser, a posteriori donc, cette modification substantielle de l’organigramme et de l’esprit de la DGD-collections (DGD-C) en supprimant l’obligation que la direction des collections naturalistes soit dirigée par le DGD-C. Dès lors, le directeur des collections naturalistes devient au mieux l’adjoint du DGD-C.
– Le départ programmé de l’actuel DGD-C était connu de la présidence. Pourtant, l’appel à candidature pour le poste de DGD-C n’a été diffusé par la DRH que le 16 juillet avec possibilité de candidater jusqu’au 23 août... Il aurait été difficile de faire plus discret !
– Une commission de sélection des candidatures pour le poste de DGD-C s’est tenue le 2 septembre. Son travail de tri fut facilité par le caractère laconique ou décalé de la quasi-totalité des rares dossiers reçus. Un seul fut transmis au Conseil scientifique (CS) pour évaluation. Il ne s’agit pas d’un chercheur ou enseignant-chercheur du Muséum (ECMU) ou d’université.
Un constat : il n’y a pas eu de candidatures de chercheurs ou d’ECMU. Pourquoi ? Parce que ce recrutement a été organisé dans des conditions telles que l’on ne pouvait qu’arriver à ce résultat : calendrier de recrutement, fiche de poste valorisant les fonctions de gestion de réserves et de management du personnel, compétences scientifiques reléguées au second plan.
Séparer, regrouper, classer, réaffecter : ce ne serait pas une activité scientifique ?
Ces dernières semaines, dans toutes les instances consultées (commission de sélection des dossiers de candidature, CS, CT, conseil d’administration), les représentants du personnel du Muséum du SNIRS CFE-CGC et du Syndicat autonome des personnels du Muséum ont été les seuls à dénoncer ces conditions. À chaque fois, ils ont rappelé le caractère d’abord scientifique des 70 millions d’échantillons naturalistes du Muséum et la nécessité de le défendre. Ils ont demandé en vain qu’un nouvel appel à candidature soit lancé, avec une publicité plus large et un profil non pas administratif mais scientifique.
À l’heure où le déménagement d’une partie significative des collections loin de Paris est à l’étude, sans que tous les ECMU et scientifiques du Muséum aient été associés pour le moment au projet, c’est au DGD-C que reviendra le pouvoir de décider de la destination, de l’environnement et des conditions de fonctionnement des différentes collections, décisions potentiellement lourdes de conséquences sur le devenir de chacune d’entre elles, sur celui des personnels qui en ont la responsabilité et sur les conditions d’accueil des visiteurs qui viennent les étudier. C’est également à lui que reviendra de préparer les délibérations de la commission d’acquisition dont le rôle est de définir la chaîne opératoire des collections, décider des entrées et sorties, des collectes et des prélèvements. C’est aussi lui qui siègera au sein de la Commission scientifique nationale des musées de France et organisera le fonctionnement de la commission des prélèvements et analyses intrusives, commission qui a en charge l’expertise scientifique sur les restes humains, sujet tellement délicat. Il s’agit donc bien avec le DGD-C de questions et de compétences scientifiques, et non simplement de flux et de stocks comme la présidence du Muséum semble vouloir nous le faire croire.
La poursuite de l’effet domino sur l’identité du Muséum
La valorisation scientifique des collections est propre au statut des ECMU (art. 2 du décret n°92-1178 du 2 novembre 1992) au sein d’un établissement dont les missions sont avant tout, quoi qu’en pensent certains, « la valorisation, l’enrichissement, la conservation et la mise à disposition des collections et des données » (art. 3 du décret n°2001-916 du 3 octobre 2001). Rappelons que les ECMU sont « chargés, dans le domaine des sciences naturelles et humaines [...] d’une mission de conservation et d’enrichissement du patrimoine national et d’étude et de valorisation scientifique des collections. » (art. 2 du décret n°92-1178 du 2 novembre 1992) Pour ce faire, « la préparation et le contrôle scientifique d’expositions et de galeries, de cycles de conférences, d’activités pédagogiques spécifiques liées aux collections, d’activités de formation d’enseignants et de chercheurs et d’accueil d’élèves » (art. 7) sont assimilés à des services d’enseignement.
La Présidence du Muséum multiplie les actions à l’encontre des ECMU depuis plusieurs mois : fiches d’activité sous peine de punition collective, déclaration de leur temps de travail sans que la répartition des obligations de service entre les différentes missions n’ait été établie... Aujourd’hui c’est la mission dédiée aux collections qu’on leur enlève.
En s’attaquant aux missions des ECMU, c’est le Muséum et son avenir que l’on dégrade et cela concerne directement l’ensemble du personnel.
Année après année, les unes après les autres, les responsabilités opérationnelles ont été retirées aux ECMU et aux personnels scientifiques (présidence, direction des jardins et parcs, direction des publics, rédaction du projet scientifique et culturel...). Ce mouvement a entrainé une perte d’identité du Muséum que nous constatons tous, perdu entre recherche effrénée de « ressources propres » et empilement de strates administratives. La politique d’établissement se veut aujourd’hui d’abord administrative et financière.
Les collections sont la raison d’être du Muséum. Les réduire à du rangement, du management et de la gestion de caisses, c’est vider de son sens cette institution historique.
4 novembre 2020
SNIRS CFE-CGC Muséum
Syndicat autonome des personnels du Muséum